Pourquoi et comment se protéger de l’excès d’informations ?
Un entretien avec Camille Pégorier, fondatrice de Chaps, enseignante de Fascial Flow© et praticienne en énergétique chinoise.
« En véhiculant depuis des semaines des messages terriblement anxiogènes et contradictoires, les médias s’adressent en vérité à notre cerveau reptilien (ou « archaïque »). Cette partie de notre cerveau, la plus ancienne, est celle qui prend le contrôle lors des situations d’urgence. En effet, face à un danger immédiat, la peur engendre une cascade de réactions biochimiques dans notre organisme et active des réactions primitives (ou préprogrammées) de défense ou de fuite, nécessaires à la survie de l’espèce. Ce cerveau reptilien s’est développé afin de favoriser la survie de l’homme préhistorique qui évoluait dans un environnement particulièrement hostile. Il nous est utile encore aujourd’hui puisqu’il peut nous sauver la vie !
Le problème est que, pendant ce temps, notre cerveau plus développé, le cerveau frontal et préfrontal, est mis hors circuit. Tout l’enjeu est de développer une forme de souplesse du système nerveux afin de pouvoir passer rapidement d’un mode de fonctionnement à un autre. Dans cette affaire, nous sommes manipulés en premier lieu par nos émotions (en l’occurrence la peur, mais aussi la colère, la solitude…) ce qui, par ricochet, nous rend alors manipulables également par l’extérieur.
Tout l’intérêt de la méditation (du type « de pleine conscience ») ou d’autres pratiques diverses est de permettre le retour le plus rapide possible à un état « normal » qui favorise notre cerveau frontal et par là-même nous permet de conserver notre esprit critique. En nous aménageant des espaces de silence, ne serait-ce que 5 minutes par jour, où l’on prend le temps d’observer sans jugement nos pensées, nos émotions et nos sensations corporelles, nous activons et entretenons notre soupape de sécurité.
A ces considérations physiologiques s’ajoute un autre phénomène sournois de notre époque : l’excès d’informations, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Nous souffrons tous à un degré plus ou moins élevé de T.M.I : « Too Much Information » selon l’expression de Kim John Payne, un de mes professeurs préférés et auteur du best-seller d’aide à la parentalité Parents tout simplement. A force de sur-stimulation, nous grillons littéralement notre cerveau. C’est embêtant, car nous devenons alors incapables de discerner dans ce fatras les informations vitales pour nous…. les informations vraies, tout simplement.
Cette crise nous demande de relever le défi et de reprendre le contrôle de nos émotions, afin de sauver rien de moins que notre liberté intérieure (à défaut de notre liberté extérieure, provisoirement supprimée). Nous pouvons lutter contre cette partie de nous-même accro aux infos, aux écrans, au boulot, en adoptant une discipline personnelle. Reprendre le contrôle sur nos penchants naturels qui nous rendent esclaves de la machine est une lutte quotidienne, avec son lot d’échecs et de victoires.
Personnellement, en plus de diverses pratiques méditatives quotidiennes (en mouvement ou statique) je m’impose les stratégies suivantes – il est vrai depuis plusieurs années, car j’ai eu la « chance » de vivre un épuisement professionnel et familial en 2012 suite auquel j’ai développé ces mesures d’hygiène de vie :
- j’allume et j’éteins le WIFI chez moi comme je le fais avec la lumière (c’est un simple bouton à trouver sur la box). Outre le fait que l’excès d’ondes est dangereux pour la santé, c’est une façon, à chaque fois, d’affirmer qu’il y a un temps pour tout : un temps pour dormir et un temps pour l’éveil, un temps pour manger, un temps pour se connecter… Vingt fois par jour, je vais râler d’avoir éteint ce bouton, vingt fois par jour, je vais aussi me réjouir de ces micro-victoires sur mon temps d’écran.
- Ayant des enfants en bas âge, j’ai tout simplement définitivement éteint ma télé depuis 3 ans – j’avoue, j’ai tout de même gardé mon abonnement à Netflix. Avec la crise que nous traversons, j’ai la confirmation que cette décision familiale est la meilleure que nous ayons jamais prise ! Elle ne fut pas facile à mettre en place et je me suis faite aider pour y arriver pas à pas (par l’équipe des coachs de Kim John Payne cité plus haut). J’applique le même régime sec avec la presse écrite officielle au demeurant.
- Je fais des cures régulières de deux jours de déconnexion totale où je lutte toute la journée contre ma compulsion à vouloir me connecter.
- J’ai mis sur silencieux toutes les sonneries de notifications de mon smartphone et je le regarde le plus possible hors de la vue et la portée de mes enfants (en ce moment avec le confinement, en cachette, ou je peux, dans la salle de bain, les toilettes… ! ).
Au fil du temps, j’ai développé d’autres stratégies, mais la liste serait trop longue, de plus ce sont celles qui me correspondent. Le but étant que chacun développe les siennes propres selon les possibilités du moment. Il se peut que pour survivre au confinement, en télétravail et en appartement, la seule solution a été pour vous de laisser les enfants devant les jeux vidéos et les écrans toute la journée. Vivre sans télé et sans jeux vidéos ? mais pourquoi, et comment est-ce possible ? Peut-être serait-il judicieux de mettre à profit cette période chaotique pour y réfléchir. Le premier pas commence par l’acceptation qu’il y a des choses qui ne vont pas, qui sont insatisfaisantes dans notre mode de vie. Pourquoi ne pas se permettre ensuite de rêver, de visualiser une vie (de famille) heureuse à nouveau – et même bien mieux qu’avant ?
Si vous désirez programmer ces changements plus profonds qu’il n’y parait pour le post-confinement, il est possible de se faire aider pour cela.
Comment est-ce que je fais pour rester informée et connectée avec mes proches ? Je dois avouer qu’en effet parfois je suis « à côté de la plaque » dans les conversations bien sûr. Mais pour l’essentiel, c’est étonnant, car les informations m’arrivent d’une manière ou d’une autre ! Outre quelques rares chaînes YouTube (ou autre réseaux sociaux) triés avec le plus grand soin, ainsi qu’un unique abonnement à une lettre d’information indépendante, les informations m’arrivent par quelques amis proches, elles engendrent des discussions, des interrogations. La nécessité de faire l’effort d’écouter vraiment l’autre active l’empathie et engendre notamment la volonté de vérifier par soi-même la véracité des propos : un cercle vertueux qui permet de solliciter le cerveau frontal tout simplement.
Encore plus étonnant : il semble qu’ainsi j’ai même une longueur d’avance sur l’analyse des événements ! Je l’explique par le fait que garder l’esprit clair, non pollué, me permet de faire preuve de discernement, de rester réactive et de m’adapter rapidement. En bref, on ne me roule plus dans la farine si facilement.
Plus que jamais, je vous exprime toute ma gratitude de m’avoir lue jusqu’au bout. Du fond du cœur, je souhaite à chacun bon courage dans cette épreuve qui nous change à jamais. A nous de faire en sorte que ce soit pour le meilleur ! »
Pour contacter Camille directement : pegorier.camille@lasalleparis.com